Derrière moi il
y avait l’hôpital et j’ai marché jusqu’à la voiture
Et mon père
s’est éloigné de son côté et
Ma mère venait
de mourir
Son cadavre
était en train de refroidir dans sa chambre
Attendant que
des gens viennent le prendre, le poser sur un chariot
Et l’amener
ailleurs et son lit serait libre et quelqu’un d’autre
Viendrait ici
s’allongerait et peut-être que ce quelqu’un
Ne mourrait pas
là ou peut-être que si, va savoir !
Et le monde me
semblait vide et glacé, inutile
Et assis sur le
fauteuil de ma voiture
J’ai pris mon
téléphone et j’ai appelé les gens
Parce qu’il
fallait bien que quelqu’un le fasse
Et que mon père
avait passé sa vie à s’occuper
De sa femme et
que c’était tout ce que je pouvais
Faire pour le
soulager
Alors j’ai
appelé et j’ai dis c’est fini et ça m’a pris
Du temps mais ça
repoussait le moment où je devrais
Affronter la
douleur
quelques jours avant,
mon père et moi
On avait mis
leur chien dans un sac de sport
Et avec la
complicité des infirmières on l’avait
Emmené dans la
chambre et ma mère avait souri
Et le lendemain
avec une amie on avait humecté
Sa bouche avec
de la clairette de die et elle avait
Encore sourit et
elle disait qu’elle pensait
Qu’elle allait
mourir et on répondait non non et
Sans doute
faisait-elle semblant de nous croire
Pour ne pas nous
effrayer et peu de temps
Après elle avait
sombré dans le coma et elle n’avait
Jamais rouvert ses
yeux doux, jamais plus sourit
Et je lisais un
magazine à côté d’elle quand c’est arrivé
son souffle
S’est arrêté une
première fois et j’ai levé la tête et elle s’est remise à respirer
Et j’ai observé,
puis j’ai repris ma lecture pour tromper
l’attente, car
il ne restait plus que ça, l’attente et le stupide désir
de se tromper
soi même qu’il ne fallait surtout pas écouter
car il n’aurait
été que souffrance supplémentaire quand
surviendrait le
moment ultime
et
comme si elle
attendait que je regarde ailleurs
Elle a arrêté de
respirer pour de bon
et c’était comme si elle était partie
Tout doucement
sur la pointe des pieds, pour
Ne pas déranger,
et cela lui ressemblait tellement
Cette peur de
déranger mais je m’en suis rendu compte
Et j’ai alerté
mon père et on a appelé l’infirmière
Qui a dit
« cette fois, je crois… » et on savait
Ce qu’elle
croyait
Cette fois
et la doctoresse
est venue et a constaté
Le décès et personne
n’a rien essayé comme dans les films
Tu sais, les
électrochocs sur la poitrine, la course sur un chariot
Jusqu’au bloc
avec la famille qui pleure et hurle
« tiens
bons, nous sommes là, tu n’es pas seule »
il n’y avait
rien de tout ça, la partie était joué
nous le savions
et nous avions juste voulu
qu’elle parte
ainsi, sans trop de souffrance
sans savoir,
shooté par les perfusions et dans le coma
c’était mieux et
à côté de son corps déserté par tout ce
qui avait été
elle
je me disais
c’est juste ça de mourir
Ça paraissait
presque doux, mais ce n’était pas doux
C’était un vide,
un trou noir dans le cœur qui aspire la lumière
De ceux qui
restent et nous étions ceux qui étaient encore vivant
Et elle semblait
apaisée, on espère toujours que les morts
Soient apaisés
et on l’a embrassé et j’aurai voulu un signe
Un souffle de
vent, un vase qui tombe, quelque chose
Qui me laisse
croire que ce n’était pas fini
Qu’on se
reverrait ailleurs où dans une autre vie
Mais je sentais
rien, je ne voyais rien peut-être
Etais-je aveugle
et sourd ou peut-être était-ce bien
Fini, à tout
jamais, une injustice de plus dans ce monde
Et mon père a
filé aux infirmières son parfum
Et lui a dit
« tchao » parce qu’il ne savait pas quoi dire
Et qu’il ne
voulait pas pleurer et on l’a embrassé
Et on est parti
Et j’ai appelé
les gens et après je l’ai rejoint chez lui
Et il avait
besoin de boire et moi je ne voulais pas boire
Car je savais
que je me serais écroulé
Et maintenant je
repense à ma mère, à sa façon
De rester debout
face à la sclérose qui lui
avait pris ses
jambes et il a fallut
Un cancer
foudroyant du pancréas en plus
Pour l’avoir,
ultime coup bas de la vie
et elle est
resté elle même
Jusqu’au bout,
tellement … digne
refusant de se
plaindre ou de supplier
Et c’est comme
si Dieu avait du la prendre
En traitre pour
la ramener près de lui
Comme si Dieu
n’avait jamais pu gagner le combat
Contre elle,
mais la mort si
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