lundi 30 mai 2016

Salvation non éthylique

Il y a eu une époque
            Où je rêvais d’être ce genre d’écrivain
Célèbre et arrivé
Qui aurait lu, assimilé et compris
            Tous les autres grands écrivains
Russes, américains, français et autres
            Un génie bien habillé
Capable de citer d’une voix claire
Et assurée en public
Des dizaines de belles phrases
Empruntées à d’autres, des phases
Comme autant de sentences
            Propres sur elles
Et terriblement efficaces, lancés
En l’air avec un certaine désinvolture
ou judicieusement placées
            Dans d’intelligentes conversations
Sur un plateau de télévision à des heures
où toute la planète dort
            ou dans des journaux lus par des
intellectuels et des politiques
Mais le peu de ces écrivains qui avaient réussi
le truc - tromper leur monde - et par là
je veux dire le peu que j’ai lu,
            étaient chiants comme la mort d’un mec
triste et usé, ils
parlaient trop joliment d’une vie et de sentiments
            Qui n’étaient pas les miens
Je n’ai plus ou moins admiré que leur facilité vulgaire
             à trouver et conter avec lyrisme
un romantisme chimérique dans le destin
            de personnages brisés
par des choses aussi peu romantique
            que les guerres, la pauvreté,
la perte d’un amour fou et aussi leur capacité
à n’employer aucun mot « sale » pour arriver
à leurs fins. Il y avait d’ailleurs tellement (trop)
de jolis mots qu’on aurait dit que certains arrivaient
            à se sucer la bite tous seuls
pour la garder lisse et brillante
Sous les projecteurs et
J’ai fini par n’aimer que ceux qui jettent
sur la feuille la nauséabondes odeur
de la merde et du sang de leurs tripes
ouvertes aux vents par le canif rouillé et émoussé
                        d’une maudite existence
            Sur le papier, ceux-là ne trichent
Pas et je rêvais de réussite, prendre de
L’altitude, planer au dessus du commun
des mortels, avoir les mots justes et toucher
au cœur en une phrase tel un violoniste
virtuose. Avec toute la prétention
qu’offre la bêtise et l’illusion propre
à mon caractère
            je rêvais d’être important
Et de la liberté qu’offrent le succès
Et le fric qui va de pair, et
aussi des jolies groupies, celles qui
envoient des photos de leurs corps dénudés
pour séduire, s’offrent
à l’artiste dans des alcôves sombres
                        ouais, j’aurais vendu
mon âme pour tout ça, mais je l’ai perdue
avant qu’on m’en offre un bon prix
et maintenant, à poil et sans armes dans
la tempête, de la boue dans les poumons
et du sang dans le vert de mes yeux
                                    je crois bien que je
me fous de l’importance, de toute cette merde
la réussite, le pognon, l’intelligence ou non de mon propos
            et l’arrogance qui l’accompagne etc. ouais m’sieur
rien à battre, de tout ça, de ne pas être
littéraire et de la ponctuation et du
bon usage des majuscules
            l’alcoolique hurle et la foule le lynche
            peut-être que seul l’amour compte
dans cette vie merdique et puéril d’enfant cassé
mais l’amour semble n’être qu’un rare mensonge
quand
les histoires de culs ne blessent pas le pèlerin
            les femmes sont si dangereuses
la plupart du temps, les miennes sont
splendides et abimées par d’autres,  elles aiment griffer
            et qu’on leur fasse certaines choses
qui défient l’académique vision de la poésie sentimentale
            tout en étant susceptibles
de me poignarder sur un coup de tête
si je leur tourne le dos, si je leur offre mon flanc
            et putain, je les aime avec toute la folie
que me procure cette douleur que j’ai
                                    à la place du cœur
et je crois bien que leur beauté
            et quelques mots griffonnés
sur le papier sans aucun enjeu sinon
une certaine "salvation" mentale
                        ont fini par
                                    me suffire
et peut-être qu’il existe des moments
                        où ÇA
                                    me sauve de moi
                                    de mes ombres
et de toutes les fois ou mon destin
            est de sentir la bite d’un Dieu dingue
                        planté bien profond dans l’errance de
                                                          mon trou du cul

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