Tous ces jours
Je t’ai regardée mourir
Sans pouvoir te protéger, ni
t’aider plus
que tenir ta main quand tu agonisais, te dire que je
t’aime
J’étais là quand tu t’es en
allée, juste à côté mais je n’ai pas pu
Te retenir
tu as juste arrêté de
respirer
en douceur, comme si tu avais voulu ne pas
nous déranger
Et c’était bien toi, partir
sur la pointe des pieds, en catimini
Si doucement que j’ai failli ne pas
t’entendre
Et j’ai embrassé ton front
quand ce fut finit
J’étais là et sans doute que la mort
fut une délivrance pour toi,
il faut bien se dire ça pour atténuer
La souffrance de ceux qui restent
Toute une vie de supplice, ton corps rongé
par la sclérose
Et le cancer pour finir,
comme si ce n’était pas assez, Dieu a très peu d’humour
mais il semble bien qu’il
sache manier l’ironie
Et ton refus de te plaindre,
comme si la douleur
n’était qu’une chimère plutôt qu’une fatalité
Apprendre le courage dans
tous tes sourires
La dignité dans toute ta bonté
Et maintenant nous sommes
là, ton mari, tes enfants et tes petits enfants
Les yeux brouillés par les larmes, le cœur en berne avec
ton absence
Pour seule compagnie
Vient l’heure de regarder les vieilles photos, celles où
tu ries
celles où tu es si belle,
l’heure de trier tes affaires, jeter tes vieux ouvrages
ceux que tu faisais et
défaisais sans cesse pour lutter contre la maladie qui
te clouait au fauteuil, te
volait tes jambes et tes bras sans jamais craindre aucune
justice
l’heure de donner tes habits
à des associations, de contempler tristement ce vase que
je t’ai offert il y a si
longtemps,
d’affronter mille autres
objets qui scandent
insolemment que tu n’es plus
là
et brillent comme un
poignard sous le soleil
tes bijoux, ton alliance, ta bague de
fiançailles
Dieu qu’elles nous déchirent
toutes ces choses
ces choses qui étaient toi
mais qui ne sont rien qu’un vent froid sans toi
j’ai mal m’man, tu sais,
vraiment mal
quelque part en dedans, dans un coin qui
n’appartient qu’à toi
un quelque part qui n’était pas cassé, pas
encore
c’est mal fichu la vie
et la mort encore plus
putain c’est pas
facile !
pas facile de se persuader
que la mort c’est laisser nos âmes s’étreindre
pour un million d’éternités ou
plus
alors même que je
n’embrasserai
plus que le silence d’ici là
ton
absence est la cicatrice qui balafre le sourire de chaque jour nouveau
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