Dans cet
entrepôt, la vie était assez tranquille
salaire minimum mais
35 heures par semaine payées 39,
avec les
gars on s’entendait bien, on passait la journée
à marcher
en poussant un chariot sur
lequel on
posait un café brulant et des cartons
de pièces
électriques à ranger dans les rayonnages
poussiéreux.
Ici, service minimum,
personne ne fouettait personne
alors on allait aussi vite que des esclaves
à qui
personne ne dit d’aller vite. Au mépris
des risques d’incendie et malgré les nombreux
panneaux
d’interdiction
on pouvait fumer en travaillant. Je prenais
à 08 heures
et finissait à 16.
Deux matinées par semaine, pas plus,
on devait
porter des trucs lourds.
J’avais
déjà brûlé
mon âme dans des endroits pires
que ça.
Un jour un représentant trop bien
habillé
que
personne
n’aimait
s’est pointé et m’a reconnu. J’ai fait semblant
de ne pas
me souvenir (je ne l’avais jamais aimé)
mais je me souvenais
lorsque
j’étais au lycée il était amoureux
du bleu
regard d’une fille de la classe
qui, elle,
était amoureuse
de mon
meilleur pote
et il nous
avait invité tous les trois
à son
anniversaire. Il se serait bien
passé de
mon pote et de moi, mais
la demoiselle refusait de venir
sans
mon
meilleur pote et lui n’allait
nulle part
sans moi. Bref, nous
sommes
arrivés là-bas, une belle
maison
bourgeoise et comme nous
ne
l’aimions pas, mon pote et moi,
nous avons
foutu le
bordel, renversant sciemment
de l’alcool
sur des tapis aussi épais
que
l’hypocrisie d’un politicien,
cassant des
verres, j’ai même
pissé sur
les portières de sa voiture.
Le type
était tellement bourré que lui
aussi
foutait en l’air la maison de ses
parents,
c’était drôle.
Le coup de
grâce est arrivé quand mon
pote m’a
dit,
« regarde, je le
tue ! »
avant
d’emballer
en moins de trois secondes
la fille
aux yeux bleus devant son
amoureux
transi que personne n’aimait.
Son visage s’est décomposé et
on a bien ri.
Il a
insisté et j’ai fini par faire semblant
de me
souvenir de mon passé, genre
ah oui, c’est vrai, ça me revient
tu fais quoi depuis tout ce temps ?
Lorsqu’il
est parti, les collègues m’ont regardé bizarrement
et m’ont demandé :
tu es ami avec ce connard
prétentieux ?
Ami n’était
pas le mot et j’ai du raconter
sa soirée d’anniversaire
pour qu’ils
me pardonnent.
Un jour, je
me suis pointé avec un jeans propre
une belle chemise,
une veste
en cuir noir, des chaussures vernis
et deux
boucles d’oreilles en argent brillant.
Merde Vince, tu vas à un mariage après le boulot ?
J’étais
sorti la veille, j’avais bu et j’avais
terminé
dans le lit d’une brune aux cheveux
courts.
Elle avait 20 ans
je crois,
elle vivait dans un minuscule appartement
pour lequel
elle payait un crédit, son dos était
entièrement
tatoué et elle avait des piercing
un peu
partout. Sa vie n’avait jamais été simple
et elle
était folle et facile comme le sont parfois
celles que l’amour a trahi dès
leur plus jeune âge. J’avais passé
deux heures
emboité
en chien de
fusil tout contre elle à veiller sur son court
sommeil
je dors nue avait-elle dit avant de
prendre
ma main et
de la presser contre son sein.
Avant, je n’avais pas réussi à la baiser. Trop d’alcool !
Avant, je n’avais pas réussi à la baiser. Trop d’alcool !
(l’alcool
et ma vie sexuelle
ont
toujours eu des relations tendues)
Énervé à
cause de cette érection qui refusait de montrer
le bout de son nez
je n’avais pu m’endormir et
j’avais filé
directement au boulot,
après avoir
pris une douche en compagnie
de la brune
frustrée par ma faute qui elle aussi partait
bosser.
J’étais arrivé avec les yeux rouges et encore bien bourré
mais
personne ne m’a rien dit.
dans ces
endroits-là,
entrepôts ou usine,
du moment
que tu
tombes le boulot sans faire chier
personne ne
te cherche d’histoires, à moins
de faire
une connerie ou d’avoir comme chef
un ennemi
personnel, mais ce n’était
pas mon cas,
je travaillais bien et j’étais poli,
pas par
conscience professionnelle ou bonne
éducation,
c’était juste
plus
simple, ainsi, on me foutait la paix.
Ce jour-là tout au plus
quelques
mecs mariés ont jalousé ma
ma liberté, rien que ne puisse
effacer une cigarette
offerte près de la machine à café
couleur crème
Quant à la
fille,
Aussi
cinglée qu’elle soit, je la comprenais
et l’aimais
pour ses blessures
comme je comprends et aime toutes celles qui ont
été
cassées. Elle était têtue comme une vieille
mule, très intelligente, elle se débrouillait seule
et riait
beaucoup
quand d’autres auraient
déjà volé
en éclats depuis longtemps
à sa place.
Je suis revenu un soir ou deux
à son
appartement. La dernière fois
nous étions plusieurs
invités et
c’est
un autre qui l’a baisé,
ce sont des
choses
qui arrivent.
Heureusement, quand
elle a vu
la tournure que prenaient
les
évènements, une copine présente
s’est mise
à me rouler des patins
de dingue.
L’honneur était sauf et
je suis sorti de l’appartement
la tête
haute.
Le contrat
s’est terminé et j’ai perdu le boulot,
ce sont aussi des choses
qui arrivent.
En ce temps
là
je perdais
beaucoup de choses
à commencer par mon temps
et ma raison mentale,
Les mots ne
venaient pas et dans la rue,
pas un sourire ne m’était destiné
pourtant, je
croyais fermement que l’amour existait
et que le monde et un destin m’attendaient
avec impatience
car je valais mieux
que le reste de l’humanité
Sur tous ces points et d’autres
j’ai cruellement appris
que je me trompais, (la vie se plait
à t’enseigner
l’humilité),
mais l’arrogance
et la folie m’aidaient à tenir le
coup
ceux qui connaissent les usines
ceux qui connaissent les usines
et les entrepôts de
métal comprendront,
la tranquillité est une
illusion et
il faut quelque chose pour tenir
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire