samedi 27 mai 2023

La fille qui bossait dans le bar presqu'en face et traversait la route en minijupe pour nous apporter de l'alcool

dans l'après-midi
je suis au comptoir du bar tabac, je picole un peu avec un gars que je connais comme ça
et
le feu de l'alcool rallume le désir de folies rieuses qui animait l'ancienne époque

une fille de ce temps-là rentre acheter ses clope et elle me sourit quand elle m'aperçoit
une avec qui je n'ai pas couché
mais ce n'est pas ma faute

dieu
elle est toujours aussi belle

maintenant, magie du coiffeur
ses cheveux sont plus blonds
et je vois bien que ses lèvres que j'ai tant embrassées sont toujours aussi douces

elle bossait dans le bar presqu'en face du resto où je travaillais les weekend
parfois, elle nous amenait des shooters pour nous souler mon collègue et moi
d'autres fois c'était lui ou moi qui lui en apportions
un jour elle est venu sertie dans une minijupe bleue et les mâchoires masculines se sont
toutes décrochées tandis que les yeux féminins crachaient des flammes jalouses et oranges

quand on se trouvait dans la nuit à un comptoir avec de l'alcool dans le sang
nos langues s'enroulaient  toujours l'une autour de l'autre
elle disait, pourquoi on s'embrasse tout le temps quand on est bourré ?
je pensais pourquoi on ne le fait pas quand on n'est pas bourré ?

Souvent en fin de soirée, je la raccompagnais en bas de chez elle
pour être sur qu'il ne lui arrive rien, en sachant bien qu'il ne se passerait rien

un matin comme ça, un peu avant le lever du soleil, je l'ai ramenée 
j'avais perdu ma mère depuis peu et elle pleurait car elle pensait
que j'allais me suicider
elle disait que j'étais une belle personne
je trouvais ça étrange et beau
je n'avais jamais rien fait pour mériter ses sentiments, sa beauté pouvait lui offrir le monde et
je me sentais si laid, si dingue
pourtant elle me disait qu'elle tenait à moi

je ne pouvais croire qu'une fille comme elle puisse trouver de la beauté en moi
comme si mon âme était d'or et d'argent et non en lambeaux et vêtue de charbon

et là, tout à l'heure,
elle me regarde
et il y a toujours, à mon égard, cette douceur au fond de ses prunelles magnifiques

l'espace de quelques secondes,
je me sens en paix avec le monde
je me sens justifié

juste à cause de son regard





Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire