vendredi 5 avril 2019

Déjà, l'anormalité

j'ai connu des gens qui dans leur couple, étaient plus seuls que moi
c'est maintenant, vendredi après midi et je me dis ça pour me rassurer

je suis pris dans une crise d'angoisse
j'ai froid, je tremble
illustration du perdant

l'équilibre est précaire et je ressens mon manque de futur
j'ai une maison, un chien et une demande d'emploi en cours d'examen
dans la fonction publique
et je me demande combien de temps cela va durer
qu'elle foutu seau de merde Dieu ou le Diable va me verser sur la gueule
pour égayer sa journée, je me méfie mème du soleil

j'ai fini par désirer être tout ce que je détestais
un type qui rentre chez lui tous les soirs
et j'ai fini par être tout ce que je craignais
un type qui rentre chez lui tous les soirs alors qu'il vit seul

                         A 16 ans et demi, j'étais assis dans un peep-show à Pigalle
et un gars baisait sur mes genoux la plus belle fille que j'avais jamais vu.

Cinq minutes plus tôt
Elle m'avait appris comment ôter un porte jarretelle, le sien
et là -elle était payée pour ça- elle prenait 26 centimètres dans la chatte et simulait le plaisir
bien que j'ai pris ça pour un vrai orgasme, à l'époque je manquais cruellement
d'expérience en terme de sexe et de simulation féminine

avec l'insolence de la jeunesse je me disais que la vraie vie n'était pas
sur les bancs d'école
mais ailleurs
dans des endroits sombres qui puaient le sexe et la concupiscence
j'occultais la détresse humaine, j'ignorais encore que toute l'existence
il faut donner son cul et son âme pour garder sa place sur l'échelle sociale
pour ne pas tomber plus bas
pour grappiller un barreau ou deux vers le haut, 10 euros de plus par mois, un coefficient retraite
supérieur

je vis dans un monde où
le droit merveilleux
de décharger des camions 7 heures pas jour est une chance,
un preuve d'intégration  à son proche environnement

appelle-moi
écris moi
griffe moi
dis moi que tu mouilles et que tu rêves de ma queue dans ta bouche
ou que je suis un fils de pute sexiste et peu importe
si c'est la première fois qu'on se parle mais
pardonne moi, je ne te dirais pas de mots d'amour
je ne sais plus embrasser ni murmurer de choses délicates
des fois, j'ouvre mes veines juste pour lécher mon sang
et la plupart du temps, je vis les tripes à l'air

encore,
je repense à cette fille dans ce peep-show
stan la baisait - il était payé pour ça-  et je crois qu'elle s'appelait Jenifer
et son cul était le plus divin cul de la terre entière, il est imprimé en moi à jamais
et je me demande si aujourd'hui, elle a réussit à oublier toutes ces mains perverses
qui ont ôté ses bas, soutien-gorges et porte-jarretelles, tous ses faux cris et ces coups de bites
ramassés pour payer le loyer, la nourriture, les sacs à mains
pour sortir de la rue et fuir au bord d'une mer ou d'un océan
pendant quelques jours avant de revenir subir son esclavage moderne
on doit tous tenir, c'est l'instinct de survie et les marchés financiers qui gèrent la planète
et chaque frappe encaissée est une fissure dans le mur
et les fissures deviennent des lézardes
et les murs finissent par s'écrouler
et la rivière obscure se fraye un chemin sur les décombres de soi

putain j'ai beau savoir
toute la misère
et toutes les traitrises

je repartirais bien là bas en 1987
yeux gris verts,
assis sur un fauteuil en velours
cheveux longs et bite d'acier effrayé dans le calbut
à rougir et perdre mes moyens devant un porte-jarretelle noir porté
par un cul magnifique

adolescent trop timide jeté dans le trou de balle d'un monde immense, laid et dangereux
mais déjà, en moi,
la certitude que je tenterais ma chance
quel que soit le prix que je paye aujourd'hui














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