N’écris pas
de poésie,
Si tu n’es pas prêt à
Prendre le
risque
De changer le monde
Tu auras
ton nom sur des revues
à tirage
confidentiel, tu publieras
peut-être
d’obscurs recueils
mais
n’espère nul autre récompense,
sinon salir
tes
sous-vêtements comme sous l’emprise d’inavouables désirs
lorsqu’un vers anodin révélera une impitoyable
précision
et les
regards embarrassés
de ceux qui t’entourent, incapables
de
saisir le
danger de l’écriture, reflèteront
ta folie,
la misère noire de ta solitude intérieure
et tes mots ne
changeront pas le monde
(les
guerres et les mensonges des pouvoirs changent le monde)
la poésie
c’est du sang sur tes mains tremblantes
une plongée dans ton désert affectif
un face à
face avec toi même dans un miroir
fêlé
un longue
randonnée
sans espoir
de retour
au fond
d’un lac
d’alcool
et voici le
moment de songer à la vanité
de ces
quelques mots,
« n’écris pas de poésie »
tu croiras
avoir le choix, alors tu prétendras
qu’il
serait sain de ne pas écrire
et Dieu se
marrerait s’il voulait t’entendre
mais Dieu préfère s’oublier avec la
vodka
et les filles faciles
en te
laissant seul sur le quai d’une gare abandonnée
La vérité
n’est pas un choix
tu as ça en
toi ou tu ne l’as pas
et si la malédiction
te prend
dans ses griffes
la nuit, le
jour,
tu écriras
comme si la rédemption existait
mais elle n’existe pas ici bas
et l’absolution
est la chimère des
coupables
et tu
laisseras tout ça sortir de toi,
le sang, les larmes, le foutre ou la
mouille, la merde et les crachats
et ça te
brulera comme d’autres avant toi
et tu hurleras et tu pleureras
et personne
ne t’entendra car personne ne lit
de poésie
et tu perdras ton âme et ton cœur
avec une putain ou un diable
et voilà où
se crucifient nos âmes de poètes
sur la blanche virginité
de quelques feuilles de
papier
qu’il nous
faut déflorer en saignant
fous
solitaires affamés de lumière
nous sommes les chouettes aux yeux
écarquillés
dans la pénombre
de la
grotte
ceux qui crient aux
oreilles des sourds
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