samedi 12 juillet 2014

N’écris pas de poésie

N’écris pas de poésie,
            Si tu n’es pas prêt à
Prendre le risque
                        De changer le monde

Tu auras ton nom sur des revues
à tirage confidentiel, tu publieras
peut-être d’obscurs recueils
mais n’espère nul autre récompense,
 sinon salir
tes sous-vêtements comme sous l’emprise d’inavouables désirs
lorsqu’un vers anodin révélera une impitoyable
précision

et les regards embarrassés
            de ceux qui t’entourent, incapables de
saisir le danger de l’écriture, reflèteront
ta folie, la misère noire de ta solitude intérieure

                        et tes mots ne changeront pas le monde
(les guerres et les mensonges des pouvoirs changent le monde)

la poésie c’est du sang sur tes mains tremblantes
            une plongée dans ton désert affectif
un face à face avec toi même dans un miroir
                        fêlé
                                    un longue randonnée
sans espoir de retour
au fond
                                    d’un lac d’alcool

et voici le moment de songer à la vanité
de ces quelques mots,
« n’écris pas de poésie »

tu croiras avoir le choix, alors tu prétendras
qu’il serait sain de ne pas écrire
et Dieu se marrerait s’il voulait t’entendre
            mais Dieu préfère s’oublier avec la vodka
                        et les filles faciles
en te laissant seul sur le quai d’une gare abandonnée

La vérité n’est pas un choix

tu as ça en toi ou tu ne l’as pas
                        et si la malédiction
te prend dans ses griffes
la nuit, le jour,
tu écriras comme si la rédemption existait
            mais elle n’existe pas ici bas
            et l’absolution
                        est la chimère des coupables

et tu laisseras tout ça sortir de toi,
            le sang, les larmes, le foutre ou la mouille, la merde et les crachats
et ça te brulera comme d’autres avant toi
            et tu hurleras et tu pleureras
et personne ne t’entendra car personne ne lit
de poésie et tu perdras ton âme et ton cœur
            avec une putain ou un diable

et voilà où se crucifient nos âmes de poètes
                        sur la blanche virginité
                        de quelques feuilles de papier
qu’il nous faut déflorer en saignant

fous solitaires affamés de lumière
            nous sommes les chouettes aux yeux
écarquillés dans la pénombre
de la grotte
                        ceux qui crient aux oreilles des sourds

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