mardi 21 novembre 2017

Quand sonne la cloche qui annonce la fin du combat

Derrière moi il y avait l’hôpital et j’ai marché jusqu’à la voiture
Et mon père s’est éloigné de son côté et
Ma mère venait de mourir
Son cadavre était en train de refroidir dans sa chambre
Attendant que des gens viennent le prendre, le poser sur un chariot
Et l’amener ailleurs et son lit serait libre et quelqu’un d’autre
Viendrait ici s’allongerait et peut-être que ce quelqu’un
Ne mourrait pas là ou peut-être que si, va savoir !
Et le monde me semblait vide et glacé, inutile
Et assis sur le fauteuil de ma voiture
J’ai pris mon téléphone et j’ai appelé les gens
Parce qu’il fallait bien que quelqu’un le fasse
Et que mon père avait passé sa vie à s’occuper
De sa femme et que c’était tout ce que je pouvais
Faire pour le soulager
Alors j’ai appelé et j’ai dis c’est fini et ça m’a pris
Du temps mais ça repoussait le moment où je devrais
Affronter la douleur
quelques jours avant, mon père et moi
On avait mis leur chien dans un sac de sport
Et avec la complicité des infirmières on l’avait
Emmené dans la chambre et ma mère avait souri
Et le lendemain avec une amie on avait humecté
Sa bouche avec de la clairette de die et elle avait
Encore sourit et elle disait qu’elle pensait
Qu’elle allait mourir et on répondait non non et
Sans doute faisait-elle semblant de nous croire
Pour ne pas nous effrayer et peu de temps
Après elle avait sombré dans le coma et elle n’avait
Jamais rouvert ses yeux doux, jamais plus sourit
Et je lisais un magazine à côté d’elle quand c’est arrivé
son souffle
S’est arrêté une première fois et j’ai levé la tête et elle s’est remise à respirer
Et j’ai observé, puis j’ai repris ma lecture pour tromper
l’attente, car il ne restait plus que ça, l’attente et le stupide désir
de se tromper soi même qu’il ne fallait surtout pas écouter
car il n’aurait été que souffrance supplémentaire quand
surviendrait le moment ultime
                                                            et
comme si elle attendait que je regarde ailleurs
Elle a arrêté de respirer pour de bon
 et c’était comme si elle était partie
Tout doucement sur la pointe des pieds, pour
Ne pas déranger, et cela lui ressemblait tellement
Cette peur de déranger mais je m’en suis rendu compte
Et j’ai alerté mon père et on a appelé l’infirmière
Qui a dit « cette fois, je crois… » et on savait
Ce qu’elle croyait
Cette fois
et la doctoresse est venue et a constaté
Le décès et personne n’a rien essayé comme dans les films
Tu sais, les électrochocs sur la poitrine, la course sur un chariot
Jusqu’au bloc avec la famille qui pleure et hurle
« tiens bons, nous sommes là, tu n’es pas seule »
il n’y avait rien de tout ça, la partie était joué
nous le savions et nous avions juste voulu
qu’elle parte ainsi, sans trop de souffrance
sans savoir, shooté par les perfusions et dans le coma
c’était mieux et à côté de son corps déserté par tout ce
qui avait été elle
je me disais c’est juste ça de mourir
Ça paraissait presque doux, mais ce n’était pas doux
C’était un vide, un trou noir dans le cœur qui aspire la lumière
De ceux qui restent et nous étions ceux qui étaient encore vivant
Et elle semblait apaisée, on espère toujours que les morts
Soient apaisés et on l’a embrassé et j’aurai voulu un signe
Un souffle de vent, un vase qui tombe, quelque chose
Qui me laisse croire que ce n’était pas fini
Qu’on se reverrait ailleurs où dans une autre vie
Mais je sentais rien, je ne voyais rien peut-être
Etais-je aveugle et sourd ou peut-être était-ce bien
Fini, à tout jamais, une injustice de plus dans ce monde
Et mon père a filé aux infirmières son parfum
Et lui a dit « tchao » parce qu’il ne savait pas quoi dire 
Et qu’il ne voulait pas pleurer et on l’a embrassé
Et on est parti
Et j’ai appelé les gens et après je l’ai rejoint chez lui
Et il avait besoin de boire et moi je ne voulais pas boire
Car je savais que je me serais écroulé
Et maintenant je repense à ma mère, à sa façon
De rester debout face à la sclérose qui lui
avait pris ses jambes et il a fallut
Un cancer foudroyant du pancréas en plus
Pour l’avoir, ultime coup bas de la vie
et elle est resté elle même
Jusqu’au bout, tellement    digne
refusant de se plaindre ou de supplier
Et c’est comme si Dieu avait du la prendre
En traitre pour la ramener près de lui
Comme si Dieu n’avait jamais pu gagner le combat
Contre elle, mais la mort si

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire