dimanche 5 juin 2016

De saines activités poétiques

Nuit 1 :
J’ai foutu sur le siège le joli cul et le joli reste de l’asiatique
Folle, celle qui me sert de meilleure amie avec la rousse
Dingue et on est parti écouter de la poésie dans le cœur
De la ville. Ça faisait trois bonnes heures qu’elle m’attendait
Et elle n’a pas râlé
Et elle ne voulait pas boire pour cause de  la cuite de la nuit
Précédente mais sa volonté est ethyliquement inexistante
et on est arrivé dans ce bar qui est comme
Un paradis de la cirrhose parce que les bières coutent un euros cinquante
et on a commencé à picoler  malgré l’avis contraire de
de son foie, de la raison et des associations de médecins généralistes ou non
C’est là qu’on a vu la poétesse aux mots sublimes, elle est venue
Nous parler de sa voix douce avec ses flammes partout dans
Le bleu de ses yeux et elle est allée lire et on s’est assis
Pour l’écouter. Ses mots ont coulé en moi, j’étais tel le junkie avec
L’aiguille enfoncée dans la veine bleue quand vient le flash
C’était ciselé comme de l’orfèvrerie et ça volait plus
Haut que je ne pourrais jamais aller avec mes gros sabots
Et j’ai pris un pied dingue et quand elle a eu fini
On est retournée au comptoir et on a enquillé les bières
à grande vitesse, comme si tout ça n’allait pas nous tuer
Ruiner nos âmes et nos corps et la poétesse aux mots sublimes
Est venue nous parler et on a descendu le houblon
Ensemble, à un moment je suis parti vider ma vessie car
j’ai la plus petite vessie de la planète (j’ai bien écrit vessie ne confond pas tout)
Dans les chiottes on entendait une radio religieuse
Merde, je n’avais jamais évacué l’alcool sur un sermon
catholique, c’est là que je me suis dit que j’avais peut-être
Trop pissé sur Dieu, qu’il était temps d’arrêter
                        après tout il y a surement
Une intention ou un plan divin derrière chaque
Enfant égorgé par un bourreau insensible
Et j’avais dans la tête la musique de la rédemption
Par les mots, ça sonnait comme un groupe de rock
En fond sonore dans une partouze sauvage
Et j’avais besoin de groupies nues pour me rassurer
Et j’ai secoué la tête pour revenir dans la réalité et ma queue
pour faire tomber la dernière goutte et de retour au comptoir on a continué
à boire avec l’asiatique folle et la poétesse aux mots sublimes
et au regard hypnotique, on alternait les bières et
Les virées aux toilettes où les sermons
Succédaient aux sermons avec la ténacité
Du doigt d’un témoin de Jéhovah sur ta sonnette
                                                et je buvais les paroles
De la poétesse aux mots sublimes comme j’avale la vodka
Et puis la nuit s’est avancée à pas de loup et on est parti
L’asiatique folle et moi, on a trouvé un autre comptoir
La serveuse m’a embrassé sur la bouche
En guise de salut
Et il y avait la blonde avec ses seins énormes
Qui a dit, « Vince enfoiré, tu m’as laissée dans la rue l’autre fois
Ce soir je dors chez toi » Je lui ai demandé si
Elle envisageait de coucher avec moi, au vu
De sa réponse négative je lui ai conseillé
De s’entêter, avec un peu de volonté
Elle pouvait y arriver, m’avoir, mais
Elle est partie avec celui qui l’avait
Emmené et c’était mieux pour elle
Et j’ai bu encore et l’autre serveuse
n’a pas voulu m’embrasser sur la bouche
elle n’était pas assez bourrée et j’ai dit
« j’ai envie de lécher tes seins » et elle
a répondu qu’elle préférerait que je lui lèche
la chatte.
« Toi, on voit que tu as bossé longtemps
avec mon ex » ai-je lancé et elle a éclaté de rire
La morale de tout ça étant que mon ex
M’avait bien vendu question cul et qu’il
Faut un certain talent pour parler
Ainsi aux serveuses de boite de nuit

Nuit 2 :
L’enfer est une canette de bière vide
Dans la main de l’assoiffé égaré me dis-je
Tout en me retrouvant à nouveau au comptoir
du paradis de la Cirrhose. Je bois bière sur bière
Je parle avec la sublime poétesse,
J’écoute un gars avec un coffre
Enorme, une voix qui porte et
Des tripes dans les textes, et un autre
Qui crie et semble dingue derrière son micro
Et sous son calot militaire et puis
Je rencontre :
           
b) Un type vachement grand qui a la manie
De coller partout des étiquettes avec des
Phrases écrites à la main dessus, des trucs
Qui tapent net et précis comme ce parfait crochet
au menton qui te laisse sur le carreau

a) une fille vachement belle qui devrait écrire plus
parce qu’elle pose les mots avec la grâce et la finesse
de mouvement d’une danseuse de ballet


Et on parle de soi et d’écriture et de ce qui nous ronge en toile de fond
Et je ne me sens ni pris au piège ni acculé dans un coin la garde levé
Prêt à vendre chèrement ma peau, non je me sens juste bien
Parce qu’ils sont de ceux qui donnent sans rien prendre, sans rien
Attendre en retour, et si tu leur offres juste un peu de toi, ils te
tendent des sourires qui sont autant de pièces d’or et je me
Sens bien avec eux et la douceur qu’ils dégagent
et la chose horrible en moi se tait et je respire
à plein poumons l’air confiné du paradis de la cirrhose
mais ils finissent par partir parce que la nuit te vole toujours
Tes lumières mais ils me laissent une certaine paix intérieur
La sensation d’un précaire équilibre,
et je retrouve la poétesse aux mots sublimes
Et il y a une flamme dans ses yeux quand elle parle
D’elle, de ses écrits et j’aime la furieuse liberté
Qui l’anime et la tient debout envers et contre tous
Et je vais pisser et le type vachement grand a collé
Là une étiquette avec des mots qui tapent net et précis
            Comme je te le disais plus haut et
                        Mon rire résonne plus haut que les prières
                        Du prêtre de la radio
            je fais une photo floue pour la beauté de l’instant
Et putain je suis bien, je pourrais mourir ici, ou mieux
Vivre ici des années sans chercher à m’enfuir
 Quand bien même il n’y aurait ni gardien ni verrous
                                    Sur les portes
Et puis vient l’heure de partir parce que la brune magnifique
Qui est blonde parce qu’elle a des cheveux blancs, les
Femmes ont leur propre logique et nous les hommes
                        Les contemplons avec la fascination
Du papillon pour la flamme, et donc,
celle là, qui me trouve trop vieux du haut de l’insolence
de ses 28 ans, est en ville et je la rejoins et toute la soirée
je lui parle, je bois de la vodka au cola, je lui trouve
des bonbons sucrés et je perds l’équilibre récemment
acquis et à l’arrivée c’est un autre qu’elle veut
mais je peint un million  de rires sur son visage parfait
et elle donne mon numéro à la fille des vestiaires
qui l’accepte sans sourciller car je suis toujours
méchant avec elle puisque tous les deux nous savons
bien qu’elle n’aime pas les gentils garçons
et je pars avec la blonde magnifique
et elle m’offre un kebab sauce ketchup
et elle prend un sandwich américain sauce blanche
les deux sans frites et on continue à vivre ainsi
noyés dans les fous rires
il fait jour, il est 78 heures du matin ou quelque chose
comme ça et elle part avec sa cousine et le mec
de sa cousine et je reste seul dans la rue, il fait
jour et rien, absolument rien n’a changé

Petit matin :
Et soudain  j’ai froid.
Il fait jour,  je suis seul
Sur la route glacé
Et je me demande ce que je fais là
Avec plus d’alcool dans les veines qu’un homme
Sain d’esprit en boirait en six mois
            J’aurai besoin d’aimer Dieu à cet instant
Mais ce n’est pas lui que je hais, c’est juste moi
Et c’est à moi que je parle dans tous mes reproches
Au divin, moi qui n’ait pas
Le courage de changer ce monde et qui
Reste là, planté sur le goudron, les bras le long
Du corps
Ivre et
Pathétique

Et soudain, une vérité m’apparaît nue et offerte
Comme une vierge se donne à son premier amour
                        Un jour j’ai su l’amour
et après, tout ne fut plus qu’un mensonge et moi
            un perdant dans les yeux
d’une tueuse et tout ça
                        l’amour, la félicité
est arrivé à un autre que moi dans une autre vie
            j’ai perdu
            et je suis mort
et maintenant
                        je n’écris que pour LA femme
et non pas pour le vain espoir de continuer grâce
à l’écriture à me taper des filles de 20 ans
alors que je tape les 46 dans deux mois, non, j’écris pour celle-ci
celle qui viendra, avec la patience d’un sculpteur perfectionniste
            recoller chaque éclat de mon cœur jusqu’à lui redonner
forme humaine, celle dont chaque souffle sur ma peau
            tuera un peu plus la douleur
            et je ne sais s’il en existe une, quelque part
qui osera un jour prendre mon visage entre ses mains
            et doucement, murmurer à mes yeux un délicat
                        «  tu ne seras plus jamais seul »
et cela suffirait
                        et elle ne voudrait rien d’autre que moi
            sinon le régulier battement de mon corps dans le sien
et nous n’aurions rien à faire que le monde nous appartienne ou non
parce que nous
serions un monde à chaque fois que nos mains se tiendraient, une armure
            contre tous les tempêtes et la folie glisserait sur nous
en chantant et l’amour ne serait plus mon ennemi
            et d’ici là sans doute vais-je
continuer à sombrer dans mes noirs abimes, à m’abimer
dans de sordides fuites et mes funestes démons se réjouiront
                                                 tout en déchirant mes chairs de leurs ongles sales

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